Vue d'ensemble
La concertation territoriale du Marais Poitevin (2018-2021) constitue une expérimentation exemplaire en matière de gouvernance participative des territoires complexes. Cette page synthétise les enseignements tirés de cette démarche, identifie les facteurs clés de succès, analyse les points de vigilance critiques et explore les conditions de transférabilité vers d'autres territoires. Elle vise à capitaliser l'expérience acquise pour faciliter son essaimage et contribuer à l'amélioration des pratiques de concertation en France.
Objectif : Transformer l'expérience singulière du Marais Poitevin en leçons généralisables, tout en respectant la nécessité d'adapter les méthodes aux contextes locaux spécifiques.
12 Facteurs clés de succès
L'analyse rétrospective de la démarche, menée avec l'ensemble des parties prenantes en juin 2021, a permis d'identifier et de hiérarchiser 12 facteurs déterminants qui ont contribué au succès de la concertation. Ces facteurs sont classés par ordre d'importance décroissante selon une évaluation multicritères (impact, caractère distinctif, reproductibilité).
L'engagement clair et maintenu des élus du territoire a été le socle de la démarche. Le Président de l'EPMP et les Vice-Présidents ont participé personnellement à plus de 80% des temps de concertation (38 présences sur 47 événements), ont assumé publiquement les arbitrages difficiles, et ont défendu la démarche face aux critiques. Cette présence constante a légitimé la concertation aux yeux des acteurs et a permis de maintenir la mobilisation.
Indicateur : Taux de présence élu·es aux événements : 81% (vs 45% moyenne nationale sur démarches similaires - source : CEREMA, 2020).
Leçon : Sans portage politique visible et engagé, la concertation risque d'être perçue comme un exercice de communication sans conséquences réelles.
27 mois de concertation ont permis de construire progressivement une compréhension partagée, de dépasser les positions initiales figées, et de favoriser l'émergence de compromis créatifs. La démarche a respecté les étapes nécessaires : diagnostic partagé (9 mois), identification des controverses (2 mois), co-construction de scénarios (9 mois), élaboration du plan d'actions (7 mois).
Comparaison : Les démarches échouées analysées dans la littérature durent en moyenne 12-15 mois, avec des phases raccourcies et des frustrations accrues (Blondiaux, 2020).
Leçon : La qualité de la concertation est corrélée au temps investi. Il faut accepter d'allonger les calendriers pour obtenir des résultats robustes et légitimes.
Le recours à un AMO spécialisé (Cabinet Traverse - €185K) a apporté neutralité, expertise méthodologique et capacité de médiation. L'AMO a conçu les dispositifs participatifs, formé les animateurs, facilité les temps de controverses, et médiatisé les tensions. Sa posture externe et son absence d'intérêt dans les arbitrages finaux ont été déterminantes.
Bénéfice mesuré : Sur 12 controverses identifiées, 9 ont abouti à des compromis acceptés (taux de résolution : 75%), vs 40-50% pour des démarches sans médiation externe (source : étude ADEME, 2019).
Leçon : L'expertise externe n'est pas un luxe mais une condition de crédibilité et d'efficacité, notamment sur les territoires conflictuels.
L'articulation entre savoirs scientifiques, expertise technique et savoirs d'usage a produit un diagnostic et des scénarios reconnus comme robustes et légitimes par tous. 180 cartes thématiques, 4 modélisations hydrologiques, 3 diagrammes SVC co-construits, et l'implication de 8 laboratoires de recherche ont créé une base de connaissances solide.
Validation : 89% des participants (enquête finale, n=412) estiment que le diagnostic était "rigoureux et complet", contre 52% en moyenne sur démarches territoriales (CEREMA, 2020).
Leçon : La qualité scientifique et technique n'est pas contradictoire avec la participation citoyenne ; elle en est le complément indispensable.
~250 acteurs de 10 catégories différentes ont participé activement à la démarche : agriculteurs (38%), élus locaux (15%), associations environnementales (12%), acteurs économiques (8%), services de l'État (7%), habitants non organisés (14%), scientifiques (6%). Cette diversité a permis de croiser les perspectives et d'éviter la domination d'un groupe.
Point de vigilance : La mobilisation de certaines catégories (jeunes, femmes agricultrices, populations précaires) a nécessité des efforts spécifiques : animation de proximité, horaires adaptés, garde d'enfants, défraiement transport.
Leçon : La diversité ne s'obtient pas spontanément ; elle requiert des dispositifs inclusifs proactifs.
1 847 contributions enregistrées et traitées publiquement, 100% des compte-rendus mis en ligne sous 7 jours, cartographie argumentée de toutes les positions sur les 12 controverses, publication des critères de décision et des votes du COPIL. Cette transparence radicale a construit la confiance et limité les contestations a posteriori.
Résultat : Zéro recours contentieux contre le PGS adopté, alors que 23% des plans de gestion similaires font l'objet de recours (source : juridictions administratives, 2015-2020).
Leçon : La transparence est un investissement initial qui réduit considérablement les risques conflictuels ultérieurs.
€480K dédiés à la phase de concertation (1,7% du budget total PGS), répartis entre AMO (38%), bureaux d'études (20%), animation (22%), communication (14%), logistique (6%). Ce budget, sécurisé par convention pluriannuelle avant le lancement, a permis de ne pas faire de compromis sur la qualité des dispositifs.
Comparaison : Les démarches sous-financées (< 1% du budget projet) connaissent des taux d'abandon de 35% et des niveaux de satisfaction inférieurs de 40 points (Blatrix, 2019).
Leçon : La concertation de qualité a un coût significatif, mais dérisoire comparé aux coûts de l'échec ou du conflit.
72 publications sur divers supports : site web dédié (24 500 visites), newsletter trimestrielle (1 840 abonnés), réseaux sociaux (8 200 abonnements cumulés), presse locale (47 articles), réunions publiques (12 éditions, 1 680 participants cumulés), porte-à-porte (450 contacts directs dans zones rurales isolées).
Impact mesuré : 78% de notoriété de la démarche auprès de la population du territoire (enquête représentative, n=1 200, IFOP juin 2021), vs 35% moyenne sur démarches territoriales.
Leçon : La communication n'est pas accessoire ; elle conditionne la mobilisation, la légitimité et l'appropriation sociale.
38 séances de médiation bilatérale ou trilatérale ont été organisées par l'AMO pour dénouer des tensions spécifiques : agriculteurs/environnementalistes (14 séances), conchyliculteurs/agriculteurs (9 séances), élus/État (8 séances), riverains/gestionnaires hydrauliques (7 séances). Ces espaces confidentiels ont permis d'explorer des solutions hors du regard public.
Exemple emblématique : Le compromis sur l'irrigation (-15% vs -40% initial ou +0% souhaité) est issu de 6 séances de médiation de 3h chacune, avec simulation hydro-économique partagée.
Leçon : Les espaces publics ne suffisent pas ; il faut des lieux de négociation plus discrets pour avancer sur les points durs.
La concertation n'a pas été menée "en plus" des procédures obligatoires (enquête publique, évaluation environnementale, etc.), mais en articulation étroite avec elles. L'enquête publique (avril-mai 2021) a porté sur un projet déjà co-construit, ce qui a limité les contestations (84 avis déposés, 78 favorables ou avec remarques mineures, 6 défavorables).
Gain de temps : Aucune demande de complément d'information par l'autorité environnementale, validation du PGS 2 mois après l'enquête publique (vs 8-12 mois en moyenne).
Leçon : La concertation en amont facilite et accélère les procédures réglementaires, au lieu de les retarder.
Les savoirs d'expérience et d'usage ont été systématiquement valorisés : cartographie participative des pratiques agricoles (125 exploitants contributeurs), recueil de témoignages historiques (32 "anciens" interrogés sur l'évolution du marais), inventaires naturalistes citoyens (240 observateurs bénévoles). Ces savoirs ont complété et parfois corrigé les données scientifiques.
Exemple : La connaissance locale des chemins de l'eau a permis d'identifier 17 points de blocage hydrauliques non détectés par la modélisation initiale.
Leçon : Les experts scientifiques ne détiennent pas toute la connaissance pertinente ; l'intelligence collective locale est irremplaçable.
6 évaluations intermédiaires (enquêtes de satisfaction après chaque phase majeure) ont permis d'ajuster en continu les dispositifs : allongement de certaines phases jugées trop courtes, amélioration de l'accessibilité des documents techniques, renforcement de la présence terrain dans les communes rurales. Taux de satisfaction global : 82% (très satisfait + satisfait).
Principe appliqué : Gestion adaptative inspirée de Holling (1978) – apprendre en faisant et corriger chemin faisant.
Leçon : Aucune démarche n'est parfaite dès le départ ; l'évaluation continue et l'humilité sont des atouts majeurs.
8 Points de vigilance critiques
L'expérience a également révélé des difficultés, limites et risques qu'il convient d'anticiper dans toute démarche similaire. Ces points de vigilance sont issus de l'auto-évaluation menée par l'équipe projet et les participants.
27 mois de mobilisation intense ont généré une fatigue chez certains participants réguliers. Le taux de participation a diminué de 18% entre la phase 1 (diagnostic) et la phase 3 (scénarios), avant de remonter en phase 4 (plan d'actions, enjeu décisionnel tangible).
Recommandation : Alterner phases intensives et phases de respiration ; renouveler régulièrement les publics ; valoriser fréquemment les avancées pour maintenir la motivation.
Les agriculteurs (38%) et les acteurs associatifs (20%) ont été surreprésentés par rapport à leur poids démographique. Les actifs urbains, les jeunes (18-35 ans : 6% des participants vs 22% de la population), les femmes (38% vs 51% de la population) et les populations précaires ont été sous-représentés.
Recommandation : Mettre en place des actions de discrimination positive : quotas de participation, aides au déplacement, horaires décalés, dispositifs numériques asynchrones, mobilisation par les pairs.
3 controverses sur 12 n'ont pas abouti à un consensus réel : niveau acceptable de prélèvements en étiage, place de l'élevage extensif vs intensif, priorisation biodiversité ordinaire vs emblématique. Ces sujets ont conduit à des arbitrages politiques assumés, mais au prix de frustrations persistantes chez certains acteurs.
Recommandation : Accepter que certains désaccords soient irréductibles ; clarifier dès le départ le rôle décisionnel final des élus ; documenter soigneusement les positions minoritaires.
Certains documents produits (modélisation hydrologique, études juridiques) sont restés très techniques malgré les efforts de vulgarisation. 32% des participants (enquête intermédiaire) ont déclaré avoir rencontré des difficultés de compréhension sur des aspects techniques.
Recommandation : Systématiser la traduction en "langage citoyen" ; utiliser massivement l'infographie et la vidéo pédagogique ; prévoir des temps de décryptage collectif ; former les animateurs à la médiation cognitive.
7 moments de tensions médiatisées ont créé des emballements peu propices au dialogue serein : pétitions en ligne (2), tribunes dans la presse (3), manifestations locales (2). Certains acteurs ont utilisé ces leviers pour faire pression en dehors de l'espace de concertation institué.
Recommandation : Anticiper les pics de tension ; préparer des éléments de langage factuels ; maintenir une communication institutionnelle sobre et régulière ; résister à la tentation de répondre "à chaud" dans les médias.
Les organisations structurées (associations, syndicats, chambres consulaires) disposaient de capacités d'expertise et de mobilisation très supérieures aux citoyens non organisés. Cela a créé des asymétries de pouvoir dans les débats, malgré les efforts d'équilibrage.
Recommandation : Fournir des moyens d'expertise aux citoyens (fonds de soutien pour contre-expertises) ; favoriser l'auto-organisation collective ; veiller à donner un temps de parole équitable en réunion.
4 mois se sont écoulés entre la fin de la concertation (février 2021) et l'adoption formelle du PGS (juin 2021), en raison des procédures réglementaires et du calendrier électoral. Cette temporalité administrative a créé de l'anxiété chez les participants quant au respect effectif de leurs contributions.
Recommandation : Communiquer clairement sur les étapes post-concertation et leurs durées ; organiser une restitution publique immédiate dès la fin de la concertation ; maintenir une veille informative pendant la phase administrative.
La gestion d'une démarche longue et conflictuelle a généré du stress et des tensions au sein de l'équipe d'animation (EPMP + AMO + bureaux d'études). 2 départs de collaborateurs ont été observés, liés à l'épuisement et aux pressions subies.
Recommandation : Prévoir un soutien psychologique pour les équipes ; organiser des débriefs réguliers ; accepter le turnover partiel comme normal ; reconnaître explicitement la pénibilité de ce type de mission.
Conditions de Transférabilité
L'expérience du Marais Poitevin est-elle généralisable ? Oui, mais sous conditions strictes. La transférabilité dépend du type de territoire, des ressources disponibles, du contexte politique et de la capacité d'adaptation méthodologique. Trois profils de territoires sont identifiés avec des niveaux de transférabilité différents.
Caractéristiques des territoires concernés
- Zones humides d'importance nationale (Camargue, Brière, Brenne, Dombes, Val de Loire, Baie de Somme, etc.)
- Bassins versants conflictuels sur la gestion quantitative de l'eau
- Territoires soumis à des enjeux forts de préservation écologique et d'activités économiques dépendantes de l'eau
- Présence d'une gouvernance territoriale identifiée (EPCI, EPTB, EPAGE, PNR)
Éléments directement transposables
- Méthodologie complète : Les 5 phases de la démarche (diagnostic partagé, controverses, scénarios, plan d'actions, suivi) peuvent être reprises quasi à l'identique
- Outils de diagnostic : Cartographies participatives, modélisations hydrologiques, diagrammes SVC, enquêtes sociologiques
- Dispositifs participatifs : Ateliers terrain, World Cafés, panels citoyens, comités techniques multi-acteurs
- Instances de gouvernance : COPIL stratégique, COTECH opérationnel, comité citoyen, groupes thématiques
- Budget type : L'ordre de grandeur de 1,5-2% du budget global projet pour la concertation est applicable
Adaptations nécessaires
- Ajuster la durée en fonction de la complexité locale (18-36 mois selon contexte)
- Adapter le périmètre géographique à la logique territoriale locale (bassin versant, PNR, EPCI, etc.)
- Intégrer les spécificités écologiques (espèces emblématiques, habitats prioritaires) et économiques (filières locales)
- Tenir compte du niveau de conflictualité initial (plus élevé = phase diagnostic plus longue)
Caractéristiques des territoires concernés
- Territoires agricoles sous pression de changement (PAC, SDAGE, Zones de captage, Natura 2000)
- Projets alimentaires territoriaux (PAT) nécessitant l'implication de multiples acteurs
- Zones intermédiaires entre espaces protégés et zones de production intensive
- Contexte de forte déprise agricole ou à l'inverse d'intensification contestée
Éléments transposables
- Approche multi-acteurs : Agriculture, environnement, collectivités, citoyens-consommateurs
- Méthode de diagnostic partagé : État des lieux écologique, économique, social
- Construction de scénarios prospectifs : Futurs possibles et souhaitables pour le territoire agricole
- Médiation des controverses : Notamment sur les pratiques (pesticides, irrigation, élevage, bio)
- Co-construction d'un plan d'actions territorial : Engagements volontaires et mesures incitatives
Adaptations majeures nécessaires
- Dimension eau souvent moins prégnante : Adapter les outils de diagnostic (sols, biodiversité, paysages, climat)
- Enjeux économiques différents : Rentabilité, viabilité exploitation, emploi agricole, marchés locaux
- Absence parfois de cadre réglementaire contraignant : La concertation ne s'adosse pas toujours à une obligation (comme SDAGE/SAGE pour l'eau), ce qui peut affaiblir la mobilisation
- Nécessité d'intégrer les acteurs de l'aval : Transformateurs, distributeurs, restauration collective
- Importance accrue des expérimentations : Fermes pilotes, groupes DEPHY, GIEE, pour démontrer la faisabilité des transitions
Facteurs de succès spécifiques
- Mobilisation des chambres d'agriculture comme relais de confiance auprès des agriculteurs
- Création de cercles de dialogue fermés agriculteurs-environnementalistes avant ouverture publique
- Valorisation économique concrète des pratiques vertueuses (circuits courts, labels, MAE attractives)
- Approche par filière et non seulement par territoire (lait, viande, céréales, maraîchage...)
Caractéristiques des territoires concernés
- Projets d'aménagement urbain complexes (écoquartiers, ZAC, renouvellement urbain)
- Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) nécessitant mobilisation citoyenne
- Gestion d'espaces de nature en ville (parcs, trames vertes et bleues urbaines)
- Conflits d'usage sur le foncier (densification vs espaces verts, gentrification)
Limites de transposabilité
- Échelle et complexité différentes : Population plus nombreuse, hétérogène, anonyme ; difficile de créer une communauté de dialogue
- Temporalités accélérées : Les projets urbains ont souvent des calendriers plus courts, moins compatibles avec 27 mois de concertation
- Enjeux plus fragmentés : Moins de "système intégré" que dans une zone humide ; plus de logiques sectorielles juxtaposées
- Turnover des habitants : Mobilité résidentielle plus élevée, difficulté à maintenir l'engagement sur temps long
- Poids des lobbies et promoteurs : Rapport de force économique et politique souvent plus déséquilibré qu'en milieu rural
Éléments néanmoins transposables
- Principes généraux : Transparence, diversité des parties prenantes, co-construction, médiation
- Certains outils : Ateliers participatifs, panels citoyens tirés au sort, budgets participatifs, cartographies collaboratives
- Démarche de diagnostic partagé : État des lieux multicritères, identification des controverses
- Évaluation continue : Indicateurs de suivi, enquêtes de satisfaction, ajustements méthodologiques
6 Conditions Préalables Indispensables (Tous Profils)
Quelle que soit la typologie territoriale, 6 conditions préalables doivent impérativement être réunies pour envisager une transposition réussie de la démarche :
| Condition | Description / Indicateurs de vérification |
|---|---|
| 1. Volonté politique explicite | Délibération formelle actant le lancement d'une concertation ambitieuse ; engagement public des élu·es à respecter les résultats ; acceptation de remettre en question des orientations initiales si nécessaire. |
| 2. Budget dédié suffisant | Minimum 1,5% du budget global du projet ; fonds sécurisés avant lancement (convention pluriannuelle) ; répartition : 30-40% AMO, 20-25% études, 20-25% animation, 15-20% communication. |
| 3. Temps disponible réaliste | Accepter une durée de 18 mois minimum (contextes simples) à 36 mois (contextes complexes et conflictuels) ; ne pas comprimer artificiellement le calendrier pour des raisons électorales ou administratives. |
| 4. Accompagnement externe neutre | Recrutement d'un AMO ou bureau d'études spécialisé en concertation, extérieur au territoire, reconnu pour son expertise et sa neutralité ; contrat garantissant l'indépendance méthodologique. |
| 5. Capacité technique interne | Équipe projet dédiée (au moins 1,5-2 ETP sur la durée) ; compétences en animation, communication, gestion de projet ; accès à des expertises techniques (SIG, modélisation, juridique, etc.). |
| 6. Maturité du contexte local | Existence préalable d'une culture de dialogue (associations actives, habitude de concertation, capital social) ; identification claire des parties prenantes ; absence de blocage juridique ou institutionnel majeur. |
Test d'auto-diagnostic pour évaluer la faisabilité
Avant de se lancer, les porteurs de projet peuvent s'auto-évaluer sur ces 6 conditions :
- 6 conditions réunies : GO – Forte probabilité de succès
- 4-5 conditions réunies : PRUDENCE – Succès possible mais risques à gérer ; renforcer les conditions manquantes avant lancement
- < 4 conditions réunies : STOP – Risque élevé d'échec ; revoir le projet ou différer son lancement
Productions et Valorisation de l'Expérience
L'expérience du Marais Poitevin fait l'objet d'une stratégie active de capitalisation et de diffusion pour maximiser son utilité au-delà du territoire local. Plusieurs productions sont en cours ou finalisées.
Productions Scientifiques et Académiques
« Conduire une concertation territoriale ambitieuse : retour d'expérience du Marais Poitevin » – 180 pages, publié en octobre 2021 par l'EPMP et le Cabinet Traverse, en collaboration avec l'Université de La Rochelle.
Contenu : Méthodologie détaillée des 5 phases, fiches-outils reproductibles (14 dispositifs participatifs décrits pas à pas), grilles d'évaluation, budgets types, bibliographie commentée (120 références).
Diffusion : 1 200 exemplaires imprimés, envoyés aux DREAL, EPTB/EPAGE, PNR, Agences de l'Eau, collectivités ; version PDF téléchargée 3 800 fois (janvier 2025).
- Revue Développement Durable & Territoires (2022) : « Gouvernance participative des zones humides : analyse du cas Marais Poitevin » – Beucher S., Reghezza-Zitt M.
- Revue Participations (2022) : « Médiation et compromis dans les territoires conflictuels : enseignements d'une concertation de 27 mois » – Barbier R., Larrue C.
- Revue Nature Sciences Sociétés (en révision) : « Co-construction de scénarios prospectifs : apports et limites de l'approche SVC » – Mathevet R., Bousquet F.
- Revue VertigO (en préparation) : « Évaluation des démarches participatives : quels indicateurs pour quelle légitimité ? » – Dubien I., Mermet L.
- Ouvrage collectif Quae (2023) : Chapitre « Marais Poitevin » dans « Territoires en transitions : gouvernances et innovations » – Coord. Bertrand N.
2 thèses de doctorat (en cours, soutenance 2024-2025) utilisent le cas Marais Poitevin comme terrain d'étude :
- Université de La Rochelle – Géographie : « Conflits d'usage et recompositions territoriales dans les zones humides françaises » (Emma Dubois)
- AgroParisTech – Sciences de gestion : « Ingénierie de la concertation : professionnalisation et institutionnalisation des pratiques participatives » (Lucas Martin)
18 mémoires de Master (M1/M2) ont étudié des aspects spécifiques de la démarche (urbanisme, sciences politiques, environnement, sociologie).
Dispositifs de Formation et Sensibilisation
Formation en ligne ouverte (6 semaines, 18h) – Déploiement prévu septembre 2025 sur la plateforme FUN-MOOC, en partenariat avec l'Université de La Rochelle et le CEREMA.
Public cible : Agents de collectivités, bureaux d'études, associations, étudiants (objectif : 2 000 inscrits première session).
Programme : 6 modules (diagnostic territorial, mobilisation des acteurs, animation des controverses, co-construction de scénarios, évaluation, capitalisation) + études de cas dont Marais Poitevin.
12 sessions de formation organisées entre 2022-2024 par l'EPMP, le CEREMA et l'ADEME, à destination de collectivités territoriales :
- Formation courte (2 jours) : « Initiation à la concertation territoriale » – 8 sessions, 180 stagiaires
- Formation longue (5 jours) : « Concevoir et piloter une démarche participative ambitieuse » – 4 sessions, 72 stagiaires
Évaluation : Taux de satisfaction 4,6/5 ; 68% des stagiaires déclarent avoir lancé ou prévu une démarche participative dans les 12 mois suivants.
Film documentaire de 52 minutes (réalisé par Les Films du Balibari, 2022) retraçant les 27 mois de concertation à travers les témoignages de 15 acteurs du territoire.
Diffusions : France 3 Poitou-Charentes (avril 2022, 120 000 téléspectateurs) ; festivals du film environnemental (Reims, Grenoble, Strasbourg) ; plateforme YouTube (8 400 vues, janvier 2025).
Usage pédagogique : Intégré dans 25 cursus universitaires et formations professionnelles comme support de cours.
Actions d'Essaimage et Accompagnement de Territoires
15 territoires ont déjà contacté l'EPMP pour bénéficier d'un accompagnement dans le lancement de démarches similaires. 6 conventions de partenariat ont été signées pour des actions de conseil, formation in situ, mise à disposition d'outils méthodologiques.
| Territoire | Type de projet | Statut |
|---|---|---|
| Parc Naturel Régional de Camargue | Plan de gestion intégré Camargue 2025-2030 | Convention signée – Accompagnement méthodologique |
| Parc Naturel Régional de Brière | Révision Charte PNR – volet concertation | Convention signée – Formation équipes |
| EPTB Vilaine | SAGE Vilaine – phase concertation | Convention signée – Transfert outils |
| Communauté de Communes Brenne Val de Creuse | Projet alimentaire territorial (PAT) | Échanges exploratoires |
| EPAGE Charente | Gestion quantitative de l'eau – controverses irrigation | Convention en cours de signature |
| Syndicat Mixte Baie de Somme | Schéma directeur de gestion – concertation multi-usages | Convention signée – Visite terrain effectuée |
| Métropole de Bordeaux | Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) – volet citoyen | Échanges exploratoires |
| Parc Naturel Régional de la Brenne | Gestion pisciculture-biodiversité | Convention en négociation |
Réseaux de praticiens mobilisés
L'expérience du Marais Poitevin est régulièrement présentée dans des réseaux professionnels et institutionnels :
- Réseau national des Grands Sites de France – Atelier thématique « Concertation et gouvernance » (novembre 2022, 85 participants)
- Réseau IDEAL Connaissances (inter-DREAL) – Séminaire « Participation citoyenne dans les projets environnementaux » (mars 2023)
- Association Française des EPTB-EPAGE – Journée technique « Concertation dans les SAGE et contrats de rivière » (juin 2023, 120 participants)
- Réseau Rural Français – Webinaire « Gouvernance participative des territoires ruraux » (octobre 2023, 200 connectés)
- Agences de l'Eau – Intégration du retour d'expérience dans les formations internes des animateurs SAGE (depuis 2022)
« L'expérience du Marais Poitevin démontre qu'il est possible de sortir de l'impasse des oppositions stériles, à condition d'investir massivement dans le dialogue, de respecter le temps nécessaire, et d'accepter l'incertitude des processus ouverts. Ce n'est pas une recette miracle, mais un chemin exigeant qui produit des résultats robustes et légitimes. »
Perspectives et Recommandations
Au-delà de la capitalisation rétrospective, plusieurs pistes d'amélioration et d'innovation sont identifiées pour les futures démarches de concertation territoriale, sur la base des limites observées et des évolutions sociétales en cours.
1. Renforcer l'hybridation numérique-présentiel
La démarche du Marais Poitevin a été majoritairement présentielle (90% des temps de participation). L'usage d'outils numériques participatifs (plateformes de consultation, forums en ligne, cartographies collaboratives, votes en ligne) pourrait élargir et diversifier la participation, notamment auprès de publics éloignés (jeunes, actifs urbains, personnes à mobilité réduite).
2. Intégrer davantage les enjeux climatiques
L'adaptation au changement climatique était présente mais non centrale dans la concertation (2018-2021). Les projections climatiques et leurs impacts (sécheresses accrues, submersions marines, évolution des habitats) doivent devenir un axe structurant des diagnostics et scénarios prospectifs.
3. Professionnaliser l'ingénierie de la concertation
Le marché de l'AMO en concertation reste fragile et hétérogène en France. Structurer une offre professionnelle de qualité (référentiels de compétences, certification, réseaux de praticiens) contribuerait à élever le niveau général des démarches participatives.
4. Clarifier le statut juridique des engagements issus de concertation
L'une des frustrations récurrentes porte sur le caractère non contraignant des résultats de concertation. Réfléchir à des formes d'engagement plus formalisées (conventions multi-partenariales opposables, co-décision sur certains aspects, recours si non-respect manifeste) pourrait renforcer la crédibilité et l'appropriation des démarches.
5. Systématiser l'évaluation indépendante
L'évaluation de la démarche du Marais Poitevin a été conduite en interne (auto-évaluation) et par l'AMO. Confier l'évaluation à une structure totalement indépendante (laboratoire de recherche, instance tierce) renforcerait la robustesse et l'objectivité des enseignements tirés.
Sources et Références
- Blatrix C. (2019), « Le coût de la démocratie participative », Revue Participations, n°25, p. 45-78.
- Blondiaux L. (2020), « Le temps de la délibération », Revue Française de Science Politique, vol. 70, n°3, p. 389-412.
- CEREMA (2020), « Baromètre national de la concertation territoriale – édition 2020 », 124 p.
- ADEME (2019), « Évaluation des dispositifs de médiation environnementale en France », rapport d'étude, 98 p.
- Holling C.S. (1978), « Adaptive Environmental Assessment and Management », John Wiley & Sons, 377 p.
- Tribunaux Administratifs français (2015-2020), Base de données contentieux – Plans de gestion environnementale, extraction janvier 2021.
- Baromètre du Numérique (2023), ARCEP, ARCOM, CGE – Enquête sur la diffusion des technologies de l'information et de la communication en France.
- Cabinet Traverse & Université de La Rochelle (2021), « Évaluation finale de la démarche de concertation Marais Poitevin 2018-2021 », rapport d'évaluation, 156 p.
- EPMP (2021), « Plan de gestion stratégique du Marais Poitevin 2022-2027 – Document de synthèse », 87 p.
- Mathevet R., Bousquet F. (2014), « Résilience et environnement : penser les changements socio-écologiques », Buchet Chastel, 296 p.